Avec 3000 milliards d’euros déjà dépensés, les aides d’Etat excèdent très largement les plans de relance officiels dans l’Union européenne. Des milliards qui ne contribuent pas à la décarbonation de l'économie.
Alors que les députés européens se prononcent ce mercredi sur le fonds de transition dit juste (FTJ), l'Allemagne et la Pologne s'annoncent déjà comme les futures principales bénéficiaires de ces aides. Lancé dans le cadre du Pacte Vert européen, ce mécanisme, doté a priori de 17,5 milliards d’euros, vise à accompagner dans la transition les régions les plus dépendantes aux énergies fossiles, principalement le charbon, afin de limiter les impacts économiques et sociaux. Or, l'Allemagne compte 18 territoires, principalement à l'Est, encore dépendants du charbon, tandis que la Pologne en recense 22, avec la Silésie en tête.
« Une feuille de route peu claire »
Certains s'interrogent néanmoins sur la crédibilité de la démarche. Car si ces deux pays devraient bénéficier - tout comme, dans une moindre mesure, la Bulgarie, la Croatie, la Tchéquie, la Roumanie et la Slovénie - des deux-tiers des financements, aucun n'a réellement pris d'engagements quant à sa sortie du charbon d'ici à 2030, rappellent le centre de réflexion Ember et la fédération d'ONG Climate Action Network (CAN). Selon leur dernier rapport, 52 GW devraient encore être opérationnels après cette échéance, l'essentiel (environ 90%) se situant en République Tchèque, en Pologne et en Allemagne. Car le fonds n'est pas associé à une obligation de résultat. Ce que déplore l'eurodéputée EELV Karima Delli : « On ne peut pas faire de plan de relance sans avoir de garanties de la part de ces pays pour qu'ils suivent les objectifs climatiques, estime l'eurodéputée Karima Delli. Et puis la feuille de route du fonds n'est pas claire, comment fait-on techniquement pour adapter une économie avec une autre énergie, former, accélérer la fermetures d'usines, etc.. ? Pour l'instant personne ne le sait vraiment ».
Le gaz, point de focalisation
D'ailleurs le fonds soulève un autre point, qui cristallise l'attention des débats. A savoir la question explosive du gaz. Si certains pays - en l'occurrence la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, et l'Italie - prévoient d'éliminer progressivement le charbon d'ici 2030, ils envisagent en parallèle une hausse de l'utilisation des gaz fossiles, jugées très émetteurs de gaz à effet de serre. Ensemble ils devraient d'ailleurs capter plus de 10% du FTJ. « La transition signifie qu'il faut aller vers les énergies propres, renouvelables », s'insurge par écrit Elif Gündüzyeli, coordinateur chez CAN Europe, « les régions charbonnières ont besoin d'investissements vers ces énergies futures et non pas d'un pas de plus vers la dépendance aux énergies fossiles ». Le député européen Mounir Satouri, rapporteur pour le compte de la commission emploi et affaires sociales, renchérit : « Au-delà de la question des moyens de ce fonds qui ont été rabotés, le vrai scandale est là ». En effet, certains députés européens, de la droite aux socialistes (à certaines exceptions) en passant par le centre (Renew), ont proposé d'ouvrir le fonds à des financements d'infrastructures gazières. « C'est la première fois que sur la sortie des énergies fossiles et la question du gaz, le Parlement européen est moins-disant que les Etats et la Commission », s'étonne l'eurodéputé EELV. Le résultat d'un compromis notamment avec l'aile droite de l'hémicycle, qui n'est pas la plus motivée sur le sujet climat.